Habe was interessantes gefunden, leider nur auf Französisch. Es handelt sich um ein Artikel vom 08.05.2003 des tunesischen Magazins "Réalités", und ist ein Interview mit Saloua Charfi über ihr Buch "Der Islam, die Frau und die Gewalt" erschienen auf Arabisch im Verlag "Signes", 11 Dinars:
Elle vient de publier “ L’islam, la femme et la violence ”, Saloua Charfi : “Quand les circonstances changent, la loi change” Sans être provocateur ou remettre en question totale de tous les préceptes jusqu’ici en vigueur dans le monde arabo-musulman, l’ouvrage de notre collaboratrice Saloua Charfi (1) se veut une somme de questionnements sur les interprétations tendancieuses par certains théologiens du texte coranique et surtout du hadith, lesquelles ont tout simplement fait que la violence, physique et morale, continue à sévir contre la femme dans certains pays arabes. Entretien.
Pourquoi ce livre aujourd’hui ? C’est d’abord une réaction à une aberration et même un paradoxe ; et puis, il est dédié aux femmes musulmanes dont la vie est un combat perpétuel pour des choses qui nous paraissent anodines. L’originalité de ce livre, si je peux dire, tient en ceci que j’ai collecté la matière sur le terrain : des témoignages, des observations, des rencontres etc. J’ai assez voyagé dans les pays arabes et musulmans, et je prétends connaître ces pays du point de vue culturel, mais surtout de celui des conditions des femmes, sachant que j’ai même travaillé sur la condition de la femme pour des ONG. C’est donc à partir de cette somme de matières que m’est venue l’idée de répertorier toutes les discriminations envers la femme musulmane.
Soyons clairs : est-ce que la femme tunisienne est aussi concernée par ces discriminations ? Oui, et je vais vous dire comment. Ce n’est pas un problème de faits, mais de culture et de mentalité. En Tunisie, nous avons encore quelques discriminations, rien que pour la question de l’héritage par exemple, et toutes les discriminations que je répertorie dans ce livre relèvent du même paradigme. Puis, j’estime qu’on n’est pas à l’abri d’un retour de manivelle, les acquis ne sont pas irréversibles car il y a toujours des voix qui s’élèvent dans des temps de crises pour demander le retour à ce qu’ils appellent la Chari’â selon leur lecture à eux. Donc, je me dis qu’en Tunisie, si nous ne nous défendons pas assez, nous risquons de revenir à certaines de ces discriminations. Cela étant, le livre s’intéresse à toutes les Musulmanes sur terre.
A propos de l’héritage – que vous considérez donc comme une forme de violence – , est-ce que vous contestez sa teneur, c’est-à-dire le fait que l’homme ait le double de la femme ? Je ne conteste pas la parole de Dieu, mais je conteste la manière de lire cette parole aujourd’hui, après quatorze siècles… Car on remarque dans les pays arabes et musulmans que le droit musulman ne couvre que le droit de la famille et donc le droit de la femme ; par exemple, le droit pénal, le droit humanitaire, le droit commercial, tout cela c’est le droit occidental, et personne n’a jamais trouvé à y redire. Mais dès qu’il s’agit de relire la loi qui concerne les droits des femmes, c’est le branle-bas de combat, comme si on allait devenir des apostats juste parce qu’on va donner à la femme une part égale d’héritage, alors qu’il ne s’agit même pas d’un point de croyance mais de comportement. En d’autres termes, je dis que seuls les droits de la femme restent régis par les droits musulmans, tous les autres domaines du droit l’étant par un système normatif principalement importés d’Occident, et à commencer par la Constitution elle-même. Les quelques acquis réalisés sont menacés par des courants islamistes qui estiment qu’ils sont contraires à la loi divine. Ce que j’ai fait, donc, c’est répertorier toutes les discriminations envers la femme musulmane et j’ai cherché dans le Coran et dans la Sunna, cette base juridique prétendument divine. Et voilà ce que j’ai constaté : il y a trois catégories de règles qui engendrent ces discriminations. Première catégorie : certaines règles sont en contradiction totale avec le texte coranique, par exemple le crime d’honneur, ou le mariage clandestin, ou le mariage coutumier, ces mariages qu’on permet aux hommes, soi-disant c’est permis par Dieu alors que c’est même un péché. D’une part, on permet aux hommes des choses que le Coran lui-même interdit, et on ne permet pas aux femmes des droits que le Coran permet !… Deuxième catégorie : d’autres règles sont basées sur des textes, notamment les hadith dont l’authenticité est douteuse…
Comme ? Comme l’interdiction à la femme d’accéder à la magistrature suprême : ils se fient à un hadith qui dit ‘‘Ne réussira point une communauté ayant confié sa destinée à une femme’’. Fatima Mernissi a eu le courage de faire une enquête autour de ce hadith. Elle a découvert que celui qui a rapporté ce hadith n’est pas habilité, n’est pas compétent, du point de vue juridique et islamique, à ou d’être un témoin parce qu’il avait accusé une femme d’adultère injustement et qu’elle avait reçu 80 coups de fouet. Selon les règles islamiques, ce type-là ne peut plus témoigner. Or, on a pris ce témoignage comme en étant un et même si le hadith en question est apparu vingt-cinq ans après la mort du Prophète.
Est-ce que Mernissi a vérifié si ce hadith existe bel et bien dans ‘‘Assassihaynn’’ ? Bien sûr !
Donc il y figure ? On ne comprend plus rien : qu’est-ce qui reste d’authentique et de non-authentique dans Assassihaynn? Oui, mais tout ce qui y est n’est pas forcément authentique ! Même les gens les plus vertueux le savent et le disent.
Omar Ibn El Khattab a interdit une fois à Abou Hourayra qui a donné beaucoup de hadith de continuer à le faire !… Et Abou Al Abbass a dit un jour que si nous devions vérifier l’authenticité des hadith, nous ne prendrions en compte aucun d’entre eux ! !…
Tout est douteux finalement ? Ce n’est pas un problème puisqu’il y a le Coran. C’est la principale source et c’est la constitution ; il y a même des hadith qui contredisent le Coran !
Un exemple ? L’exemple de l’excision justement. Dans les pays où cette pratique existe, on ne se base pas sur le Coran qui n’en parle même pas, mais elle est justifiée par je ne sais quel hadith.
Heureusement pour la Tunisie, mais comment expliquez-vous que l’excision existe dans certains pays et non dans d’autres puisqu’elle semble justifiée par un hadith? Cela prouve qu’il s’agit tout simplement d’une coutume qui se perpétue depuis l’Antiquité, c’est une pratique antérieure à l’Islam. Maintenant, ces gens-là sont musulmans et sont obligés de la justifier ; ils ont donc trouvé un hadith qui n’est pas d’ailleurs contesté du point de vue authenticité, mais c’est une question de lecture justement ; on constate dans ce hadith que le Prophète a dit à la femme qui excise : “ S’il te plaît, que ta main ne soit pas lourde ”. On sent donc que le Prophète n’était pas d’accord…
Je ne comprends pas : ça veut dire quoi exciser doucement ou exciser méchamment, exciser c’est toujours exciser ! Ecoutez, on ne change pas une société d’un jour à l’autre. On sent que le Prophète n’était pas d’accord pour cette pratique, mais qu’il ne pouvait pas brusquer ou bousculer les coutumes en un jour. Je continue. Troisième catégorie : ce sont les règles qui découlent du texte du Coran, mais qui sont, soit tronquées (comme le cas de la polygamie), soit manipulées, mais elles sont rapportées dans les corpus de la loi islamique, qui est la Chari’â et qui ne reflète pas fondamentalement l’Islam. C’est un travail humain qui, quand il est rapporté et donc institutionnalisé, est tronqué et/ou manipulé, comme c’est le cas du témoignage de la femme ; le Créateur dit qu’il faudrait deux femmes pour témoigner, mais précise que c’est seulement dans le cas des dettes. Regardez ce qui se passe : on voit bien de nos jours des femmes très compétentes, par exemple, dans le domaine des finances et même un peu mieux que les hommes ; eh bien, si vous dites qu’il n’y a aucune raison pour qu’on continue à les priver de témoignage, on vous dira : non !, parce qu’il y a un hadith qui dit que la femme manque de discernement. Cela veut dire que pour eux, c’est une tare biologique créée par Dieu ! Ma foi, c’est un raisonnement raciste, c’est le propre des racistes de justifier des discriminations envers des êtres humains par des causes biologiques. Or, Allah n’a jamais dit cela. Et la preuve c’est qu’il accorde aux femmes dans plusieurs autres domaines le droit de témoigner à elles seules, et qu’il interdit aux hommes de témoigner dans certains domaines qu’ils ne connaissent pas ; pour l’adultère, par exemple, il réclame le témoignage de…quatre hommes et non deux ! Est-ce que cela signifie que les hommes n’ont pas de discernement ?, non, mais parce que l’affaire est autrement grave !…
Autre manipulation ? Eh bien, le problème du voile qu’on impose ; le mot hijab ne figure que deux fois dans le Coran, et c’est seulement adressé aux femmes du Prophète, non aux femmes en général. Or, le hijab est imposé en Iran et en Arabie Saoudite. Mais il se trouve que le Prophète lui-même a dit qu’une vertu imposée n’en est plus une ! … Mais je voudrais revenir sur la question du témoignage qui constitue une contra- diction, même dans notre pays. Chez nous, on permet à la femme d’être juge, mais la femme n’a pas le droit de témoigner seule, il en faudrait deux ! Comment donner à la femme la possibilité de juger, de prononcer des jugements, et, d’autre part, de lui refuser le droit de témoigner, par exemple, à l’occasion du mariage de sa fille, prétextant qu’il en faut deux ?…
Revenons maintenant à la violence physique … Oui, justement, nous avons aussi des règles prises hors contexte, comme la permission au mari de battre sa femme. Sachez que ce n’est pas une histoire ancienne et que dans beaucoup de pays arabes, lorsqu’une femme est agressée et violentée par son mari et qu’elle va se plaindre, même avec un certificat médical, le type au commissariat lui dit : “ Non, Madame, ce n’est pas une raison de venir se plaindre, il n’a fait que son devoir, qui lui a été dicté par le Créateur ! ”. Il est par exemple arrivé au Soudan et en Egypte que des femmes aient demandé le divorce pour cause de violence, eh bien le juge dit : “ Non, ce n’est pas une raison pour divorcer ! ”. Et ça a cours un peu partout, en Egypte comme au Soudan comme en Mauritanie… Chez nous, c’est dernièrement, heureusement, qu’on a estimé que la violence du mari est doublement punie. Et dites-vous bien que le Prophète punissait les hommes qui battaient leurs femmes.
Tout cela nous amène à dire que tout le problème est un problème de lecture, de relecture ou d’interprétation. S’il faut lire les textes au premier degré, là, évidemment, tout devient permis, mais si on les lit dans leur contexte historique (pourquoi y a-t-il eu cette règle et à quel moment ?), à ce moment-là on peut se poser des questions, à savoir si ces raisons sont toujours valables de nos jours.
Aujourd’hui, je dirais que tout le travail que nous devons faire, c’est de discuter de ce problème de l’exégèse (al ijtihad) qui, selon les Fuqaha, n’est possible que dans les textes peu clairs, et c’est là le cercle vicieux. Car il y a eu des précédents de la part des Khoulafa eux-mêmes qui ont effectué des exégèses pourtant dans des textes clairs : comme Omar Ibn El Khattab confronté au problème de l’amputation de la main du voleur, une peine qu’il avait suspendue. Quand les circonstances changent, la loi change.
“ L’Islam, la femme et la violence ” de Saloua Charfi (en arabe), Editions “ Signes ”, 11 dinars. Mme Saloua Charfi, collaboratrice à “Réalités”, est Docteur d’Etat en sciences politiques, maître-assistante, journaliste et chercheuse, et a publié plusieurs études et recherches.
Son prochain ouvrage est consacré aux “Islamistes et la démocratie ”
M.Bouamoud
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